LA CHASSE

et la pensée de Carl Gustav JUNG

 

Les œuvres de Carl Gustav JUNG sont à lire nécessairement si l'on veut pénétrer le plus loin possible dans des œuvres comme La Chasse à la licorne ou La Dame à Licorne. Comme sont à lire aussi les écrits de Gilbert DURAND, Mircea ELIADE ou de René GIRARD. L'athée que je suis leur est redevable d'avoir su y "voir" une "âme" au travail, celle de l'artiste, mais aussi la mienne... (lire André Comte-Sponville, L'Esprit de l'athéisme, Intoduction à une spiritualité sans Dieu, Albin Michel, 2006)

 

Les écrits de Jung disent que Dieu est pour lui " une image psychique, une représentation, une assertion, un mythologème, bref une transcription anthropomorphe, une projection collective qui se rattache aux archétypes :
" Psychologiquement parlant, comme l'image de dieu est un complexe représentatif de nature archétypique, nous devons le considérer comme le représentant d'une certaine somme d'énergie (libido) apparaissant sous forme de projection "

" L'existence de l'archétype ne prétend ni poser un dieu ni en nier un. "
(Métamorphoses de l'âme et ses symboles, p.123)


" Lorsque je dis 'Dieu', j'entends par là une imago divine anthropomorphe (archétypique), et je ne m'imagine pas avoir dit quelque chose sur Dieu lui-même. Ce faisant, je ne nie ni ne confirme son existence … " (Le divin dans l'homme, p. 94)

" Pour notre psychologie, qui, en tant que science, doit s'en tenir à l'empirisme dans les limites fixées à notre connaissance, Dieu est une fonction de l'inconscient, l'activation de l'imago divine par une masse dissociée de libido " (Types psychologiques, p. 247)

" Dieu est une figure de langage, une assertion ou un mythologème fondé sur des bases archétypiques. (...) Parler de Dieu, sur Dieu, c'est faire de la mythologie, c'est-à-dire s'exprimer à partir de fondements archétypiques et sous l'incitation de l'archétype. " (Le divin dans l'homme, pp. 111-112)

" 'Dieu' est au donc au premier titre une image mentale dotée d'une 'numinosité' naturelle, c'est-à-dire qu'une valeur émotionnelle confère à l'image l'autonomie caractéristique de l'affect. " (Le divin dans l'homme, p. 136)

" Lorsque je dis que je n'ai pas besoin de croire en Dieu parce que je 'sais', je veux dire par là que je sais ce qu'il en est de l'existence des images de Dieu en général et en particulier. Je sais qu'il y va d'une expérience universelle. " (Le divin dans l'homme, p. 137)


" La notion de Dieu répond à une fonction psychologique absolument nécessaire, de nature irrationnelle, et cette notion n'a rien de commun avec la notion de l'existence de Dieu. " (L'âme et la vie, p. 360)

La religion est " une attitude d'observation attentive et de considération minutieuse de certains facteurs dynamiques, jugés par l'homme comme étant des 'puissances'. " (Psychologie et religion, p. 78)

" L'homme peut moins en dire sur Dieu qu'une fourmi sur les trésors du British Museum. " (Dialectique du Moi et de l'inconscient, p. 251)

Citations extraites du livre de Luc Nefontaine, Jung, la religion d'un hérétique, éd. EME, Bruxelles, 2010

 

 

C.G. Jung, Psychologie et Alchimie, Buchet-Chastel, 1970

A lire absolument. Voir les remarques de Mircea ELIADE, dans la page "Notes de lectures"

 

C.G. Jung, Psychologie du Transfert : Pour l'explication du Roi comme " porteur du mythe, c'est-à-dire des messages de l'inconscient collectif ".

 

Carl Gustav JUNG, Mysterium conjunctionis, tome 1, Albin Michel, 1980

p. 19
" L'analogie frappante de certaines idées alchimiques avec le dogme chrétien n'est pas le fruit du hasard mais la conséquence d'une tradition. C'est de cette dernière source que sort pour une bonne part le symbolisme royal. Si le dogme chrétien puise en partie son origine dans les croyances populaires de l'Egypte hellénistique (et dans la philosophie judéo-chrétienne d'un Philon d'Alexandrie), il n'en va pas de même pour l'alchimie. Le tronc d'où provient cette dernière n'est pas purement chrétien, mais en partie païen et gnostique. Les plus anciens traités alchimiques appartiennent à cette sphère : ainsi le traité de Comarios (I siècle ?), les écrits de Démocrite (1er - 2ème siècle) et de Zosime (3e siècle). "

p. 44 (pour la Tapisserie 3)


Dans un précédent chapitre j'ai déjà mentionné la connexion entre l'arbre et le bain. L'arbre a une signification maternelle, d'une part comme lieu de naissance, d'autre part comme tombeau (cercueil, arbre de mort, sarcophage, etc.) et, en outre, le bain a la même signification que l'utérus et l'eau fécondante. Ces représentations rappellent la mater vitae manichéenne qui, composée des cinq éléments, entoure le premier homme créé par le Père bon pour combattre les ténèbres

Strophe 12 (George Ripley, Cantinela)

Je ne puis entrer autrement dans le royaume de Dieu
Pour naître ici. Il me faut m'humilier de nouveau
Dans le sein maternel, me joindre
A la matière première et me désagréger.

Pour parvenir au royaume de Dieu le roi doit se transformer en prima materia dans le corps maternel et faire ainsi retour à cet état initial d'obscurité que les alchimistes dénomment chaos. Dans cet état de massa confusa les éléments sont en lutte les uns avec les autres et se repoussent mutuellement, si bien que tout lien entre eux est dissous. La dissolution est la condition préalable de la rédemption. C'est la mort figurée que le myste doit subir pour pouvoir vivre sa transformation.

p. 71 : (pour les initiales A et 3)

 

http://www.beyond-the-pale.org.uk/Sant-Antounin3.htm


" Tertullien dit que le Seigneur s'est vêtu de des lettres grecques : Alpha et Omega, la première et la dernière, montrant qu'en lui se trouvent l'écoulement du commencement à la fin et le retour de la fin au commencement. Cette pensée correspond exactement à celle que les alchimistes s'efforçaient d'exprimer au moyen de l'ouroboros, en to pan, un le tout. Ce dernier est un très ancien symbole païen et il n'existe aucun motif de supposer que l'idée de l'être qui s'engendre et se tue lui-même ait constitué un emprunt de l'Eglise, chez Tertullien par exemple, bien que l'analogie avec le Christ saute aux yeux, puisque, comme Dieu unique, il s'engendre et se sacrifie librement et accomplit l'immolation de lui-même par les paroles de la consécration. L'idée de I'ouroboros est des plus anciennes et remonte vraisemblablement, en définitive, à la théologie égyptienne, à la doctrine de l'homoousie du dieu-père avec le pharaon, dieu-fils. "

p. 80 : Pour les Tapisseries 5 et 7 : Etude de la “ Cantilène ”de Sir George Ripley - (v. 1415 - v. 1490) alchimiste anglais du XVe)

http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Ripley_(alchimiste)

 

 

Strophe 26

Ainsi lorsque fut venu le temps,
La mère enfanta à nouveau son fils conçu auparavant.
Après sa naissance il recouvrait son état royal.
Elle possédait un enfant en tous points agréable au ciel.

 

Strophe 27

Le lit de la mère était carré.
Après un temps marqué il devint rond
Et son couvercle, de forme circulaire,
Brillait de toutes parts comme l'éclat de la lune

 

Cette strophe confirme que la solution tout entière est devenue lune et qu'en plus de la solution, le vase contenant la matrice a été affecté par le changement. Le " lit " qui était auparavant carré est maintenant rond comme la pleine lune. " Cooperculum " (couvercle) s'applique mieux à un vase qu'à un lit, et c'est ce couvercle qui brille comme la lune. Puisqu'il constitue la partie supérieure du vase, il désigne évidemment aussi l'endroit où la lune se lève, c'est-à-dire où le contenu du vase apparaît au jour. Ici s'achève la quadrature du cercle, qui est l'un des synonymes du magistère. Ce qui est angulaire demeure imparfait et est relayé par le parfait représente par le cercle. La mère (en tant qu'eaux maternelles) est à la fois le contenu et le vase, bien qu'on rencontre plus souvent celui employé pour désigner en même temps le contenu. Ainsi vas est correctement identifié à l'aqua permanens. L'instauration de la forme circulaire et parfaite signifie que le fils sortant de la mère parvient à la perfection, en d'autres termes, que le roi parvient à la jeunesse (éternelle) et que son corps est devenu incorruptible. Puisque le carré représente la quaternité des éléments ennemis, le cercle évoque leur réunion dans l'un. " L'un tiré des quatre " est la quintessence (quinta essentia).

Strophe 28

Ainsi te carré du lit est devenu rond
Et, de noir très noir, blanc et pur.
Il en est sorti aussitôt l'enfant rouge
Qui, tout joyeux, a repris le sceptre royal

Le vase, le contenu et la mère elle-même qui contient le père sont devenus le fils qui s'est élevé de la noirceur la plus profonde à la blancheur de la lune et a acquis la couleur rouge par solificatio (transformation en soleil). En lui sont fondus tous les contraires.

Strophe 29

Là Dieu a ouvert les portes du paradis,
Il l'a embelli (le roi) comme la blanche lune
Et, après l'avoir élevé à la place de commandement,
Il l'a légitimement couronné du soleil crachant des flammes.

Notre auteur décrit le renouvellement du roi et la naissance du fils comme la manifestation d'un nouveau rédempteur - ce qui rend un son bien étrange dans la bouche d'un clerc du Moyen Âge. La sublimation de la lune " à la place de commandement " (ad imperii loca) est indiscutablement une paraphrase de l'Assomption de Marie, d'une part, et des noces de la sponsa Ecclesia, d'autre part. L'ouverture du paradis ne représente rien de moins que l'avènement du royaume de Dieu sur terre. En lui donnant comme attributs le soleil et la lune, l'auteur fait du filius regius la reproduction parfaite de l'homme primordial, qui est l'univers.

 

p. 83 (pour la Tapisserie 5 où apparaît l'ange Gabriel)

Poésie d'Angelus Silesius (Pèlerin Chérubinique, III, 195)

Lorsque l'Esprit de Dieu le touche de son essence
L'enfant d'éternité trouve en toi sa naissance.

Si ton âme est servante et pure comme Marie
Elle doit sur-le-champ être enceinte de Dieu.

Je suis enceinte de Dieu sur moi son Esprit plane
Et fait qu'en vérité Dieu vit dedans mon âme.

Que me sert, Gabriel, que tu salues Marie
Si ton salut n'est pas aussi pour moi ?

 

Angelus exprime ici sous forme d'expérience religieuse et psychique ce que les alchimistes contemplaient dans la matière, et que Ripley dépeint dans des allégories touffues. La nature de cette expérience explique suffisamment son langage emphatique et l'enthousiasme que trahit sa Cantilene. Il y a bien la quelque chose de plus grand que l'effet de grâce procuré par les sacrements : Dieu lui-même intervient par l'Esprit-Saint dans l'ouvrage de l'homme, sous forme d'inspiration aussi bien que par une intervention directe dans la transformation merveilleuse. Etant donné qu'un tel miracle ne s'est jamais produit dans l'athanor, même si l'on n'a jamais cessé d'affirmer que tel ou tel alchimiste a véritablement fabriqué de l'or, que, d'autre part, ni panacée, ni elixir vitae n'ont jamais, d'une manière prouvée, prolongé une vie d'homme au-delà de ses limites normales et qu'enfin jamais un homunculus ne s'est échappé du four, la question se pose, devant ce résultat totalement négatif, de savoir sur quoi se fondent, en définitive, l'enthousiasme et l'éloquence des adeptes.
Pour répondre à cette difficile question, il faut rappeler que, grâce à leur passion pour leur recherche, les vieux maîtres se trouvaient sur un chemin plein d'espoir et de promesses, car le fruit que l'alchimie a produit au terme d'effort séculaires a été lé chimie avec ses immenses découvertes.

 

p. 84
" Il s'élevait, au cours des opérations chimiques, des projections psychiques qui transformaient le contenu inconscient en une représentation perceptible et même visionnaire [..] d'une grande vertu thérapeutique "

 

p. 89 : sur "l'Art de la Mémoire"
" Un exemple frappant en est offert par les contaminations grotesques que l'Hexastichon de Sébastien Brant s'est permises avec des représentations sacrées. Ces gravures sont à rapprocher des phantasmes de Georges Ripley, et ni l'un ni l'autre de ces auteurs ne soupçonnait le moindrement ce que leur attitude pouvait comporter d'équivoque. En dépit de leur caractère onirique, ces documents paraissent avoir été construits de propos délibéré. Brant a même désigné chaque élément à l'aide d'un chiffre qui renvoie à un chapitre de l'Evangile. De même, dans la paraphrase de Ripley, chaque élément de la légende sacrée peut être détaché de son contexte. Brant croit que ses figures peuvent servir de moyens mnémotechniques pour aider le lecteur à se rappeler le contenu des Evangiles, alors qu'en fait leur frénésie quasi diabolique s'imprime dans l'esprit plus que la coïncidence du chapitre II de saint Jean et des noces de Cana. De même l'image de la Vierge céleste portant le lion blessé dans son sein exerce une fascination particulière qui provient justement de la différence qu'elle offre avec la représentation officielle à laquelle nous sommes accoutumés. "

 

p. 90-91
Avec l'image du couronnement de Marie ou du mariage céleste nous abordons les dernières strophes de la Cantilène.

Strophe 36

Voici le suprême triomphateur de tous les rois,
Le grand médiateur des corps malades.
De tous les défauts c'est un si grand réformateur
Que César aussi bien que le pèlerin lui obéissent

Strophe 37

Il confère leur dignité aux prélats et aux rois,
Il devient la consolation des malades et des infirmes.
Qui donc n'est pas atteint par le remède qu'il propose
Et qui chasse le poids de toute pauvreté ?

 

p. 92
"C'est l'apothéose du filius regius telle qu'on la rencontre en de nombreux traités. L'antique Tractatus aureus Hermetis (Le Traité d'or d'Hermès) dit : " Notre fils toujours vivant devient capable de combattre le feu et surpasse les teintures. Car le fils est un bienfait et possède la sagesse. Venez, fils des sages, et soyons dans l'allégresse et dans une vive jubilation, car la fin de la mort est arrivée et notre fils s'arroge l'empire et il s'est désormais revêtu du manteau rouge et de cramoisi. " Cette figure rappelle le " premier homme " manichéen mentionné plus haut qui, armé des cinq éléments, s'apprête à combattre les ténèbres. Le roi revenu à la vie est la " merveille du monde " (mundi miraculum), un " esprit très pur, au-dessus de toutes choses ". Il est, assure l'Aquarium Sapientum, un " esprit élu entre tous les esprits célestes, un esprit très subtil, très noble et très pur auquel tous les autres obéissent comme à un roi, qui procure aux hommes aussi le salut et la prospérité, guérit toutes les maladies, donne aux hommes pieux, dans l'ordre temporel, honneur et longévité, mais inflige aux méchants qui ont abusé de lui un châtiment éternel. En tout cela il se montra éprouvé, parfait et infaillible. Il est en somme ce que l'on peut voir d'extrême et de plus haut sous le ciel, et ils l'appellent la fin et l'épilogue merveilleux de toutes les oeuvres philosophiques. C'est pourquoi de pieux philosophes de jadis ont affirmé qu'il avait été révélé d'en haut à Adam, le premier homme, et que tous les saints patriarches l'avaient attendu avec un intense désir ".

p. 93-94-95
"Les Mages pleins de sagesse le virent au début de l'ère, ils furent frappés d'étonnement et reconnurent aussitôt le roi sérénissime né dans le monde. Quand tu auras aperçu son étoile, suis-la jusqu'au berceau ; là tu verras le bel enfant. Après t'être débarrassé de tes souillures, honore l'enfant royal, ouvre le trésor, offre le présent d'or, et il te donnera à la fin, après la mort, la chair et le sang, la médecine suprême des trois monarchies de la terre . " Dans la Turba déjà l'élixir est revêtu " du vêtement royal ". Le Consilium Conjugii désigne le roi comme " descendant du ciel ". L'image du roi pour représenter l'arcane accompli se trouve déjà dans le livre attribué à Zosime

On y lit " Comme il y a un soleil, fleur du feu et un soleil céleste, œil droit du cosmos, ainsi le cuivre, quand il devient une fleur par la purification, est un soleil terrestre, un roi sur la terre, comme le soleil dans le ciel." Mylius dit au roi soleil que " Phébus est assis au centre avec une chevelure d'or comme roi et empereur du monde, tenant le sceptre et le gouvernail ". En lui sont contenues " toutes les puissances célestes. " Il donne à un autre endroit la citation suivante : " A la fin tu verras le roi s'avancer couronné de son diadème, brillant comme le soleil, rempli de clarté comme l'escarboucle." Khunrath parle du " fils merveilleux et naturellement tri-un du macrocosme" que les sages appellent leur " fils couvé ex ovo mundi (à partir de l'œuf du monde) et roi couronné ". Dans un autre passage il dit du filius mundi majoris (fils du macrocosme) : " Le fils du macrocosme Theocosmus, c'est-à-dire une puissance divine et un monde divin (il est est malheureusement aujourd'hui encore rejeté par beaucoup de ceux qui apprennent la science de la nature dans un esprit païen et les bâtisseurs médicaux dans les universités) est le modèle de cette pierre théanthropos, dieu et homme (que les bâtisseurs des églises ont également rejetée, ainsi que l'enseigne la Sainte Ecriture). Et de lui (naît) dans le grand livre du monde et à partir de lui, un enseignement continuel et éternel pour les sages et pour leurs enfants : il est assurément une splendide et vivante reproduction de Notre Seigneur Jésus-Christ au sein et en provenance du macrocosme qui lui est très semblable (par sa conception et sa naissance merveilleuse, ses pouvoirs, vertus et effets inexprimables) ; aussi le Seigneur Dieu, auprès de l'histoire biblique de son Fils, nous a également montré dans le livre de la nature, des images particulières et naturelles. "

Ces quelques exemples, joints à ceux que j'ai déjà publiés dans Psychologie et Alchimie, peuvent donner au lecteur une idée d la manière dont les alchimistes ont conçu leur roi triomphant.

Strophe 38

Que Dieu nous donne donc l'objet de notre désir
A la ressemblance du roi par la multiplication
Afin que nous goûtions toujours la régénération de la pratique,
Ses fruits, abondants et trois fois doux. Amen.

 

Ainsi se termine la Cantilène, l'une des plus parfaites paraboles du renouvellement du roi. Toutefois elle est loin d'atteindre à la formulation variée et riche de signification que revêt le mythe chez Christian Rosencreutz. (Ses Noces Chymiques sont trop riches de contenu pour que je puisse en traiter même superficiellement ici.) La dernière partie du second Faust renferme, de son côté, le même thème de la transformation du vieillard en enfant avec toutes les allusions nécessaires au mariage céleste, motif qui se répète à travers le Faust tout entier, comme dans l'alchimie, à différents degrés (Marguerite, Hélène), tout comme le renouvellement du roi qui échoue à trois reprises avant la mort de Faust (l'enfant conducteur de char, Homunculus, Euphorion). "


Carl Gustav JUNG, Mysterium conjunctionis, tome 2, Albin Michel, 1980

p. 114
" Il faut souligner que l'idée central du filius philosophorum repose sur une conception de l'anthropos dans laquelle " l'homme " ou " le fils de l'homme " ne concorde pas avec la figure chrétienne, historique, du Sauveur. "

p. 130
" En outre l'idée de Dieu en tant que senex et puer (vieillard et enfant) fut conçue non seulement par les alchimistes, mais aussi par des clercs non alchimistes, comme une transformation de Dieu, je veux dire comme une manifestation du Yahvé coléreux et vindicatif de l'Ancien Testament sous la forme du Dieu d'amour du Nouveau Testament. Ainsi l'archétype de la régénération du roi a fait son apparition non seulement chez les " philosophes ", mais aussi dans les cercles ecclésiastiques. "

p. 121 : sur la chasse et la mise à mort de la licorne :
" … le Mercure, de cet esprit ' dont les philosophes disent " Prenez le vieil esprit noir et, par lui, détruisez et suppliciez les corps jusqu'à ce qu'ils soient altérés. " On lit dans le 42e discours de la Turba : " Provoquez une guerre entre le cuivre et le vif-argent, car ils tendent à périr et se corrompent d'abord " etc. " Excitez le combat entre eux et détruisez le corps du cuivre jusqu'à ce qu'il devienne poudre " Ce combat signifie la separatio, la divisio, la putrefactio, la mortificatio et la solutio, opérations qui, toutes, représentent l'état originel de chaos, c'est-à-dire la lutte entre les quatre éléments ennemis. "

p. 122
" Le malheur immérité de Job qui lui a été infligé par Dieu est, comme on le sait, la souffrance du serviteur de Dieu et une préfiguration de la passion du Christ. On voit ici comment la figure de Fils de l'Homme s'est insinuée et dessinée progressivement dans l'homme ordinaire qui a assumé " l'œuvre ". "

p. 125
" La forme ronde (plenilunium, circulus lunaris : pleine lune, orbe lunaire) est considérée comme le reflet du soleil ; c'est donc l'homme primordial (anthropos) apparaissant dans le monde sublunaire (c'est-à-dire, psychologiquement, le Soi, la totalité psychique).
La Lune constitue le lien unissant l'idée de la Vierge-Mère et celle de l'Enfant, qui naît rond, bien portant, parfait. La nouvelle naissance à partir de la lune peut donc s'exprimer par la joie pascale du chrétien aussi bien que par l'émotion de l'aurore mystique, de l'aurora consurgens, car le roi ressuscité est " l'âme qui est infusée à la pierre morte ". L'idée de la forme circulaire est également exprimée dans la couronne qui symbolise la royauté. " La couronne du roi " (corona regis) est donnée comme synonyme de cinis, corpus, mare, sal, mater et virgo sancta (cendre, corps, mer, sel, mère et vierge sainte) et se trouve donc clairement identifiée au principe féminin. "

p. 134
" L'image primitive de l'ouroboros contient déjà la pensée de l'être qui se dévore lui-même et forme un cercle avec lui-même, car tous les alchimistes un peu subtils discernaient clairement que la prima materia de l'art était, à un certain point de vue, l'homme lui-même L'ouroboros qui dévore sa queue est un symbole expressif de l'assimilation et de l'intégration de la partie opposée, c'est-à-dire de l'ombre. Ce phénomène circulaire est expliqué simultanément comme un symbole de l'immortalité et de la régénération, puisqu'il est dit de l'ouroboros qu'il se tue et se vivifie lui-même, qu'il jouit de lui-même et s'engendre lui-même. Il représente depuis l'Antiquité la plus lointaine l'Un qui sort de l'union des opposés en lutte et il constitue par suite le mystère de la prima materia qui, en tant que projection, sort indiscutablement de l'inconscient humain. "

p. 138
" S'il [l'homme médiéval] avait disposé du concept de " psychologie ", il eût dans doute qualifié sa médecine de " psychique' et conçu la régénération du roi comme un changement de dominante survenu dans sa conscience, ce qui n'aurait, certes, signifié aucune intrusion magique dans la sphère divine. "

p. 139-140 - Aspect religieux du renouvellement du roi.
" Si la figure alchimique du roi a donné lieu à de si longs développements, c'est d'une part qu'elle contient en définitive le mythe du héros dans son intégralité, y compris le renouvellement du roi et de Dieu, et d'autre part qu'elle nous paraît représenter la dominante qui règne sur la conscience. Rex Sol, le roi soleil, n'est pas une manière de pléonasme : l'expression désigne une conscience qui n'est pas simplement consciente, mais qui l'est d'une façon toute particulière. Elle est en effet guidée et régie par une dominante qui décide en dernière instance des affirmations et des valeurs. Sol, le soleil, est la lumière naturelle commune, mais rex, le roi, qui est la dominante, introduit l'élément humain et rapproche l'homme du soleil ou le soleil de l'homme.
La conscience est renouvelée par sa descente dans l'inconscient, au cours de laquelle la première est mise en rapport avec le second. La conscience renouvelée ne contient pas l'inconscient, mais forme avec lui une totalité qui est symbolisée par le fils. Toutefois, en tant qui non seulement le père et le fils n'ont qu'une seule essence, mais que le rex Sol (la conscience renouvelée) n'est autre que le fils dans le langage alchimique, la conscience devient purement et simplement identique au roi (la dominante). Cette difficulté n'existe pas pour l'alchimiste, car le roi est déjà projeté dans une substance postulée et se comporte donc à l'égard de la conscience de l'artifex comme un pur objet. Mais si, à l'aide de la critique psychologique, on dissipe la projection, la difficulté réapparaît, puisque la conscience renouvelée semble coïncider avec le roi renouvelé, c'est-à-dire avec le fils. J'ai déjà traité l'aspect psychologique de cette difficulté dan mon livre Les Relations du Moi et de l'inconscient au chapitre de La personnalité " mana ".

p. 141
" …la pierre est véritablement un roi à l'égard duquel l'alchimiste se comporte en sujet. "

p. 143- Aspect religieux du renouvellement du roi
" Il existe ici une certaine divergence entre le symbolisme alchimique et psychologique d'une part et le symbolisme chrétien d'autre part. En fait on a peine à se représenter quelle sorte de conjonction peut encore être signifiée au-delà de l'unification du conscient (masculin) et de l'inconscient (féminin) dans la dominante renouvelée, si l'on n'accepte pas, avec la tradition dogmatique, que la nouvelle dominante procure également un éclat glorieux au corpus mysticum de l'humanité (l'Eglise en tant que Lune). Chez l'alchimiste, qui était surtout un solitaire, manque le thème du mariage apocalyptique (Apoc. XIX, 7 et sv.) que l'on désigne du nom de " noces de l'Agneau ", désignation qui contient une référence à la victime sacrificielle qu'est l'Agneau. En dépit de sa dignité et de son pouvoir, le roi est en effet, d'après la tradition la plus ancienne et la plus primitive, une victime offerte pour la prospérité de son pays et de son peuple et, sous sa forme divine, il était même mangé. On sait que cet archétype précisément a subi dans le christianisme une évolution des plus complexes. Du point de vue du symbolisme chrétien, la représentation du but alchimique était dépourvue d'une part du thème du mariage céleste et, en second lieu, de celui, encore plus important peut-être, du sacrifice et du repas totémique. "


p. 144
" le lapis est l'apanage du solitaire "

p. 150-151
" En réalité, la reine correspond effectivement à l'anima et le roi à l'esprit, c'est-à-dire à la dominante du conscient. Cette signification de la reine fait comprendre commet le mystère de l'œuvre peut être l'occasion désigné comme reginae mysteria, les mystère de la reine. "

p. 152
" L'apothéose et le mariage représentent l'identification et l'égalité des droits, devenus possibles au niveau le plus élevé, entre la conscience et l'inconscient, ce qui constitue une coincidentia oppositorum libératrice. "

p. 153
" La reine de Saba, la Sagesse, l'art royal et la " fille des philosophes " sont si étroitement mêlés que le symbolisme fondamental apparaît visiblement : l'art est la reine de cœur de l'artiste ; il est à la fois sa mère, sa bien-aimée et sa fille. Et dans son art et ses allégories se joue son propre drame spirituel, son processus d'individuation. "

p. 162 (ce chapitre 'Adam comme substance mystérieuse' est à lire absolument !)
" Ces matériaux permettent de reconnaître clairement en Adam une nature fondée sur la quaternité et l'ogdoade, de laquelle ne sont pas exclues toutefois les incertitudes caractéristiques portant sur le trois et le sept (d'une part quatre éléments, quatre couleurs, quatre qualités, quatre 'humeurs' et d'autre part trois et sept couleurs). "


p. 215-216 (pour les Tapisseries 6 et 7)

L'état de transformation inachevée et seulement espérée et attendue paraît donc ne pas être un simple tourment, mais aussi un bonheur positif encore que secret. On tient ici la peinture d'un homme qui, au cours du voyage plein de péripéties de sa transformation psychique, transformation qui, à maintes reprises, offre l'aspect d'une souffrance plus que de toute autre chose, découvre un bonheur secret qui le réconcilie avec son isolement apparent. Dans son commerce avec lui-même il n'a pas rencontré un ennui et une mélancolie mortels, mais un interlocuteur avec lequel on peut composer, plus encore, une relation qui est comme le bonheur d'une vie secrète, comme un printemps intime qui fait jaillir d'une terre apparemment stérile jusque-là de jeunes pousses vertes, promesses des récoltes futures. Alchimiquement, c'est la benedicta viriditas (le vert béni) qui, d'une part, en tant que leprositas metallorum (lèpre des métaux) signifie le vert-de-gris, mais traduit aussi d'autre part la présence secrète du divin esprit de vie au sein de toutes choses. "
" Le vert traduit l'espérance et l'avenir et c'est là que réside le motif de la secrète joie intérieure qu'il serait autrement malaisé de justifier. Mais le vert, c'est aussi alchimiquement la perfection (perfectio). "

p. 254
" Le mandala symbolise, grâce à son centre, l'unité ultime de tous les archétypes, de même que la diversité du monde des phénomènes, et il constitue, par conséquent l'homologue empirique de l'idée métaphysique de l'unus mundus. L'homologue alchimique en est la pierre philosophale avec ses synonymes, en particulier le microcosme. "

 

[ Hildegarde de Bingen, née en 1098 à Bermersheim près de Mayence (Hesse rhénane) et décédée en 1179 à Rupertsberg (près de Bingen), était une abbesse bénédictine ; elle était également médecin, écrivaine, poétesse, musicienne et prédicatrice. Elle fut l'une des personnalités les plus marquantes du XIIème siècle.

A 43 ans, elle commence à consigner ses visions de toujours dans le Scivias (plus de 150000 mots et est illustré de 35 dessins ou miniatures) qu'elle achève en 1151 ; puis dans le Liber vitae meritorum écrit entre 1158 et 1163 et le De operatione Dei écrit entre 1163 et 1174, également connu sous le nom de Liber divinorum operum.]

http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Hildegarde/table.html

 

p. 256-257
" Il est significatif, en ce qui concerne, non seulement la conception de Dorn, mais aussi l'alchimie en général, que l'unio mentalis ne représente pas encore le sommet, mais seulement la première étape du processus. Le deuxième degré est atteint quand l'unio mentalis, c'est-à-dire l'unité de l'âme et de l'esprit, est combinée avec le corps. Mais on ne peut s'attendre à un accomplissement du mysterium conjunctionis qu'au moment où l'unité esprit-âme-corps s'est combinée avec l'unus mundus de l'origine. Ces trois degrés de la conjonction sont devenus le sujet de représentations imagées utilisant le thème de l'Assomption et du Couronnement de Marie, dans lesquelles la Mère de Dieu représente le corps. "

p. 260
" L'Assomption de Marie n'est attestée ni par la sainte Ecriture ni par la tradition des cinq premiers siècles de l'Eglise chrétienne. Elle a même été longtemps contestée officiellement ; elle ne s'en est pas moins développée peu à peu sous forme de pia sententia (opinion pieuse) avec la connivence de l'ensemble de l'Eglise médiévale et moderne. "

p. 274-275
Selon Dorn, " Au moyen du traitement alchimique des 'grains' (les grains de raisin), 'notre mercure' est préparé par la plus haute exaltation. Toutefois la mixtion peut se faire de ciel nouveau, de miel, de chélidoine, de fleurs de romarin, de mercuriale, de lis rouge, de sang humain avec le ciel du vin rouge ou blanc, ou du tartre… On peut faire encore une autre mixtion, celle du ciel avec la clé philosophique, par le procédé de la génération (generationis artificio) " (cf. aussi pp.279sq) Dans la Tapisserie 7 : graines de grenades, fleurs, miel coulant des grenades, sang… et ciel représenté par le zodiaque.

p. 282
" Ce 'ciel' représente pour lui la substantia caelestis qui gît cachée dans l'homme, la 'vérité' secrète, la 'vertu suprême' (summa virtus), le 'trésor que les teignes ne dévorent point et que les voleurs ne déterrent point. "

p. 291
" Tous ces différents composants sont unis à la quintessence bleue, à l'âme du monde extraite de la matière inerte, à l'image de Dieu imprimée dans le monde, à un mandala engendré par un mouvement circulaire, ce qui signifie que l'homme conscient est livré au Soi, donc à ce nouveau centre de la personnalité qui prend la place du moi jusque-là régnant. De même que le Christ prend dans l'âme religieuse la direction du conscient et met un terme à l'existence du moi limité, ainsi le filius macrocosmi, le fils des grands luminaires et du sein obscur de la terre s'avance dans le royaume psychique de l'adepte et s'emparé de la personnalité humaine, non seulement dans l'élévation lumineuse d'une conscience spirituelle, mais aussi dans les profondeurs ténébreuses que lumière apparue dans le Christ n'avait pas encore saisies. L'alchimie devait avoir conscience de la grande ombre dont le christianisme ne s'était manifestement pas rendu maître et elle s'est par suite sentie autorisée à faire sortir un sauveur du sein de la terre par analogie avec le Fils de Dieu apparu d'en haut, et de manière à lui servir de complément. "

 

Jakob Böhme (1575- 1624) : théosophe allemand, surnommé « Philosophus teutonicus »

http://doraballa-ommo.blogspot.com/2008/04/jakob-bhme-mysterium-magnum-1623.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jakob_B%C3%B6hme

p. 302
" …l'idée du Soi constitue la clé des symboles centraux de l'art à toutes les époques, en Europe et en Asie Mineure comme en Chine […] Il n'est malheureusement pas possible d'épuiser en un seul ouvrage les richesses de l'univers intellectuel de l'alchimie […] il existe à mon avis des rapports incontestables entre le symbole de la pierre et l'idée empirique du Soi ".

p. 335 (sur la Tapisserie 7)
" Comme il n'y a aucune chance pour qu'il ait jamais réalisé cette quintessence en tant que corps chimique et qu'il n'a du reste jamais prétendu l'avoir fait, on doit se demander s'il a effectivement en vue une telle opération matérielle ou s'il ne pense pas plutôt au grand œuvre alchimique en général, c'est-à-dire à la métamorphose du Mercurius duplex sous le synonyme de vin blanc et rouge : on se trouverait ainsi devant une allusion à l'œuvre au blanc (ad album) et au rouge (ad rubeum). Cette dernière hypothèse me paraît plus vraisemblable. Dans tous les cas, c'est d'un travail de laboratoire qu'il est question. Dorn formule par là son intuition d'un centre mystérieux préexistant en l'homme, qui représente en même temps un cosmos, une totalité et, ce faisant, il a conscience de figurer le Soi dans la matière. Il complète l'image de la totalité en mélangeant du miel, des herbes magiques et du sang humain, c'est-à-dire ce qu'ils signifient, tout comme le fait un moderne qui associe de nombreux attributs symboliques au cercle qu'il dessine. L'alchimiste attire en outre " l'influence " des planètes (stellae inferiores) dans sa quintessence conformément à l'antique modèle sabéen et alexandrin, ou le " tartre " (tartarus) avec l'aspect mythologique de l'enfer. Les modernes ne procèdent pas autrement. "


p. 347
" Les alchimistes se trouvaient ainsi placés face à une tâche des plus ardues, celle d'unir l'homme physique mené par une volonté autre avec sa vérité spirituelle. Comme ils n'étaient ni des incroyants ni des hérétiques, ils ne pouvaient ni ne voulaient rien changer à cette dernière pour, en quelque sorte, mieux l'accommoder au corps. En outre celui-ci était dans son tort, puisqu'il s'était attiré le péché originel par suite de sa faiblesse morale. C'était donc le corps avec toute son obscurité qui devait faire l'objet de la préparation. Celle-ci avait lieu, comme nous l'avons vu, grâce à l'extraction d'une quintessence qui représentait l'équivalent physique du ciel et du monde potentiel et que pour cette raison on appelait caelum. C'était la quote-part du corps : une substance incorruptible et par conséquent pure et éternelle, un corpus glorificatum capable et digne d'être conjoint à l'unio mentalis. Ce qui restait du corps était une terra damnata, un résidu qui devait être abandonné à son destin. La quintessence, le " ciel ", correspondaient par contre à la matière primitive et incorrompue du monde, à un mode d'expression de Dieu adéquat et obéissant, dont la production faisait par conséquent " espérer et attendre " la conjonction avec le " monde un ". "

p. 359
" L'Alchimie, par la richesse de son symbolisme, nous donne de plonger nos regards dans une tentative de l'esprit humain que l'on peut mettre en parallèle avec l'observance religieuse, l'opus divinum, avec toutefois cette différence que le " travail " alchimique ne représente pas une activité collective, formelle, étroitement définie, mais plutôt, en dépit de toute la similitude de ses principes fondamentaux, une entreprise individuelle dans laquelle l'homme pris à part jette son être tout entier dans la balance pour atteindre ce but transcendantal : la production d'une unité. C'est une œuvre de réconciliation entre des oppositions en apparence incompatibles qui, d'une façon caractéristique, ne sont pas entendues simplement comme l'inimitié naturelle qui règne entre les éléments physiques, mais aussi en même temps comme un conflit moral. Puisque l'objet de l'ascèse alchimique est perçu au-dehors aussi bien qu'au-dedans, nous un aspect physique et à la fois psychique, l'œuvre s'étend en quelque sorte à travers la nature tout entière et son but consiste en un symbole qui revêt un caractère empirique et tout en même temps transcendantal. "

C.G. JUNG, Psychologie et Alchimie, Buchet-Chastel, 1970

Ce aphorisme de Marie la Prophétesse qui est l'un des axiome central de l'alchimie : " L'un devient deux, deux devient trois, et du troisième naît l'un comme quatrième ". Ainsi, est contourné le dogme qui veut que les 'trois' sont un et qui refuse que les 'quatre' forment l'unité.

" Le mystère dionysiaque antique, le jeu des satyres et son implication tragique : le déchirement sanglant du dieu devenu bête. " (p.120)

Un Christ ésotérique est une source de feu comme celui de ce vitrail du 14ème siècle dans le chœur de l'église de l'ancien cloître de Königsfelden dans le canton d'Argovie, en Suisse.

" Selon la conception des philosophes alchimistes, l'aqua nostra est ignis (feu). La source représente non seulement le cours de la vie, mais aussi sa chaleur, son ardeur, le secret de la passion dont les synonymes ont toujours un rapport au feu. " p.158/9)

Extrait du Rosarium : " Fais de l'homme et de la femme un cercle rond, et extrais-en un carré, et du carré un triangle. Fais un cercle rond et tu auras la pierre philosophale. " (citation du Theatrum chemicum, attribuée au Pseudo-Aristote et dont la source n'est pas connue)

" Le rite est une tentative de supprimer la séparation entre la conscience et l'inconscient, la véritable source de vie, et d'amener une réunification de l'individu avec la terre maternelle de sa disposition instinctive héritée. " (p.176)

Le jardin-mandala, avec la fontaine de l'aqua nostra : " le cercle et le bassin soulignent le mandala qui, dans la symbolique médiévale, est la rose. La 'roseraie des philosophes' est un des symboles favoris des alchimistes. " (p.229)

 

La Montagne des Adeptes ou Temple des Sages


En bas, à droite : l'homme aveuglé et à gauche, le chercheur qui suit l'instinct naturel (les deux lapins)

 

Le rubedo suit immédiatement l'albedo par suite de l'élévation de la chaleur du feu à sa plus haute intensité. Le rouge et le blanc sont roi et reine, qui, à ce stade, peuvent aussi célébrer leurs 'nuptiae chymicae' (noces chimiques') (p.303)

les bas à bandes rouges et blanches du roi

Par l'étude des philosophes, l'homme acquiert l'art d'atteindre cette pierre. La pierre est l'homme. Dorneus écrit : " De pierres mortes, transformez-vous en pierres philosophales vivantes. "
Gérard Dorn (v. 1530 - 1584) (souvent orthographié à l'allemande Gerhard Dorn) est un alchimiste Belge de la Renaissance. Il fut l'un des principaux promoteurs des doctrines de Paracelse, dont il traduisit et édita des œuvres en latin. S'inspirant de Trithème, il est également le premier à développer l'idée d'une alchimie spirituelle.


Pour le pèlerin et les scènes à l'arrière :
" Toutes ces images mythiques décrivant un drame de la psyché humaine situé au-delà de notre conscience, l'homme est aussi bien celui qui doit être racheté que le rédempteur. La première formule est chrétienne, la seconde alchimique. Dans le premier cas, l'homme s'attribue à lui-même le besoin de rédemption et abandonne à la figure divine autonome l'accomplissement de la rédemption, le véritable combat (épreuve) ou opus ; dans le second cas, l'homme prend sur lui le devoir d'accomplir l'œuvre rédempteur alors qu'il impute l'état de souffrance et, par suite, le besoin de rédemption à l'anima mundi (âme du monde) enchaînée dans la matière. " (p.393) "

" Le 'regius filius' (fils du roi) est une forme réjuvénée de son père le roi. On dépeint volontiers le jeune homme avec une 'épée' ; il représente 'l'esprit', alors que le père représente 'le corps'. " (p.424/5)

 


" Mais c'est bien l'expérience vécue, et non les livres, qui conduit à la compréhension. " (p. 608)


Le parallèle entre le lapis et Christus

Il ne s'agit pas d'une identification stricte mais les termes d'une analogie : " L'alchimiste ne " s'arroge pas le rôle de rédempteur du fait d'une mégalomanie religieuse. Il ne le fait pas plus que le prêtre officiant qui sacrifie, d'une manière figurative, le Christ. L'alchimiste souligne toujours son humilité (humilitas) et commence ses traités par des invocations à Dieu. Il ne songe pas à s'identifier au Christ : au contraire, l'alchimie tire un parallèle entre la substance recherchée, le lapis, et le Christ. Il ne s'agit pas d'une identification au sens propre du terme, mais plutôt du 'sicut' (comme, par analogie à) herméneutique, qui caractérise l'analogie. Cependant, l'analogie, pour l'homme du Moyen Âge, est moins une figure logique qu'une identité secrète, vestige encore très vivant de la pensée primitive. Le rite de la consécration du feu le samedi avant Pâques est un exemple instructif à cet égard ". Le feu est en quelque sorte le Christ (imago Christi). La pierre dont jaillit l'étincelle est la " pierre d'angle " ou la " pierre de faîte ", autre imago ; et l'étincelle qui jaillit de la pierre est encore une imago Christi (image du Christ). L'analogie avec l'extraction du pneuma de la pierre chez Ostanès s'impose à nous. Nous connaissons déjà les représentations du pneuma sous la forme du feu, du Christ sous la forme du feu et du feu comme substance contraire-intérieure de la terre. Mais la pierre dont jaillit l'étincelle est aussi l'analogue du roc du sépulcre ou de la pierre qui en ferme l'entrée. Le Christ y sommeilla, enchaîné par la mort, durant les trois jours du voyage aux Enfers. Il descendit dans l'ignis gehennalis (feu infernal) dont il ressuscita feu nouveau. " (p. 451)

 

Jung poursuit : " Sans le savoir, l'alchimiste porte l'idée de l'imitatio Christi (imitation du Christ) à un point plus avancé et parvient à la conclusion mentionnée plus haut, à savoir que la complète assimilation au rédempteur rend l'assimilé capable d'accomplir l'œuvre de rédemption dans les couches les plus profondes de sa psyché. Cette conclusion, cependant, est inconsciente et, par conséquent, l'alchimiste ne se sent jamais déterminé, à supposer que le Christ opère l'œuvre en lui. C'est grâce à la sagesse et à l'art qu'il a acquis par lui-même ou que Dieu lui a accordé qu'il délivre le Noûs ou Logos créateur du monde et perdu dans la matérialité du monde, et ce pour le salut de l'humanité. L'artiste ne correspond pas au Christ, il voit plutôt la correspondance avec le rédempteur dans sa pierre merveilleuse. De ce point de vue, l'alchimie apparaît comme une continuation de la mystique chrétienne qui s'étend dans les profondeurs et l'obscurité de l'inconscient et apporte avec elle une réalisation de la figure du Christ pouvant aller jusqu'à l'apparition des stigmates. Mais cette continuation inconsciente ne réapparaît jamais en tant que telle à la surface où la conscience pourrait s'en saisir. De ce développement inconscient ne réapparaissent dans le conscient que des symptômes symboliques. Si l'alchimiste avait pu se faire une idée claire de ses contenus inconscients, il aurait dû reconnaître qu'il avait lui-même pris la place du Christ - pour être précis lui-même, c'est- à-dire 'non pas son moi mais son soi' - et qu'il avait, comme le Christ, pris sur lui 'l'opus' de la rédemption, non de l'homme, mais de Dieu. Il aurait dû non seulement se reconnaître comme l'analogue du Christ, mais voir dans le Christ le symbole du soi. Cette terrible conclusion n'est pas apparue à l'esprit du Moyen Âge. Or, ce qui apparaît comme un égarement de l'esprit à l'Européen chrétien serait une évidence dans l'esprit des Upanishads. L'homme moderne doit, par conséquent, presque s'estimer heureux qu'au moment du choc avec la pensée et l'expérience orientales son étiolement spirituel ait déjà atteint un degré tel qu'il ne mesure pas contre quoi il se heurte. Il peut, main tenant, aborder l'Orient sur le plan absolument inadéquat, et par conséquent inoffensif de l'intellect, et abandonner cette tâche aux spécialistes du sanscrit. "


[…] " Il n'est pas surprenant que l'analogie lapis-Christus se soit fait jour assez tôt chez les auteurs latins puis que le symbolisme alchimique baigne dans l'allégorique ecclésiastique. Bien qu'il ne subsiste aucun doute que les allégories des Pères de l'Eglise aient enrichi le langage alchimique, il n'en reste pas moins extrêmement douteux, à mon avis, de savoir jusqu'à quel point il faut considérer l'opus alchemicum, sous ses diverses formes, comme une transformation des rites de l'Eglise (baptême, messe) et des représentations dogmatiques (conception, naissance, passion, mort et résurrection). (p. 452-454).

Jung cite comme premier texte trouvé, le Codicille de Raymond Lulle (1235-1315) : " Et de même que Jésus-Christ, de la maison de David, a pris la nature humaine pour la délivrance et la rédemption du genre humain, prisonnier du péché par suite de la désobéissance d'Adam, de même aussi, dans notre art, ce qui est souillé criminellement par une chose est relevé, lavé et racheté de cette souillure autrement, et par la chose opposée. " (p. 456)
Puis Jung cite un texte de Zosime (3ème siècle) où le Christ est " une sorte de paradigme de la sublimation. " Il cite aussi Petrus Bonus dont la 'Margarita pretiosa' (Ferrare, 1330-39) traite spécifiquement du rapport de la pierre avec le Christ.
L'Aurora consurgens, attribuée à Saint-Thomas d'Aquin (mort en 1274) mais sans doute de la première moitié du 14ème siècle, poursuit les parallèles lapis-Christus. Daté du début du 16ème siècle (avant 1516), adressé au roi Ladislas II de Hongrie et de Bohême, un texte du chapelain Nicolas Melchior Szebeni d'Hermannstad décrit le processus alchimique sous la forme d'une messe.
Le chanoine Sir George Ripley (1415-1490) dans son Liber duodecim portarum établit des parallèles entre l'alchimie et les idées fondamentales du dogme chrétien.

Jung signale que l'unicorne, comme le lion, est un symbole du Mercurius. Un peu plus tard la licorne se transforme en colombe blanche, autre symbole du Mercurius, dont la forme volatile, le spiritus (esprit), est un parallèle du Saint-Esprit.
Le cerf, le cervus fugitivus (le cerf qui fuit), est aussi un symbole du Mercurius.

L'utilisation du symbole de l'unicorne comme allégorie du Christ et du Saint-Esprit est courante tout au long du Moyen Âge. Cette allégorie se rencontre dans les Psaumes (29 :6 - 92 :11 - 22 :22).
Priscillien nomme Dieu 'unicorne' (" Unicornis est Deus, nobis petra Christus, nobis lapis angularis Jesus, nobis hominum homo Christus : Dieu est unicorne, pour nous le Christ est un roc, Jésus la pierre angulaire, le Christ, l'homme entre les hommes ".)
Basile considère que le flius unicornium (fils des licornes) est le Christ.

La licorne peut aussi symboliser le 'mal'. Saint Basile écrit : " Et prends garde à toi, ô homme, et défie-toi de la licorne, c'est-à-dire du démon. Car elle trame le mal contre les hommes et est habile à faire le mal. "

Ainsi, la symbolique alchimique est unie aux métaphores ecclésiastiques, dans des rapports concernant le 'bien' et aussi le 'mal'.
" Comme elle fut dès l'origine un animal fabuleux et monstrueux, la licorne renferme une opposition intérieure, une coniunctio oppositorum (union des contraires) ; c'est ce qui en fait un symbole particulièrement propre à exprimer le monstrum hermaphroditum (monstre hermaphrodite) de l'alchimie. " (p. 562/3)

Le serpent est aussi, comme la corne de la licorne, un alexipharmaque et, de plus, le principe qui amène toutes choses à la maturité et à la perfection.

" Le mystère de la coupe est aussi le mystère de la corne, qui, à son tour, est l'essence de la licorne, symbole de force, de santé et de vie. Les alchimistes attribuent les mêmes propriétés à leur pierre qu ils nomment " escarboucle " (carbunculus). Selon la légende, cette pierre se trouve sous la corne de la licorne, comme le rapporte Wolfram von Eschenbach dans son Parzifal, livre IX, vers 1494-1501 : " Il est un animal qu'on nomme monicirus. Il a le don merveilleux de reconnaître les pucelles qui sont demeurées pures et il s'endort sur leur giron. Nous nous procurâmes le coeur de cet animal, et le posâmes sur la plaie du roi. Nous prîmes au même animal, sur l'os du front, la pierre d'escarboucle qui croît sur sa corne. "
La corne, en tant que signe de vigueur et de force, à un caractère masculin ; mais elle est en même temps une coupe, qui, en tant que contenant, est féminine. C'est ainsi un " symbole unificateur " qui exprime la polarité de l'archétype.

p. 597-602
On n'a jamais su clairement ce que les anciens philosophes entendaient par le lapis. On ne peut répondre de façon satisfaisante à cette question que si l'on sait exactement quel était le contenu inconscient qu'ils projetaient ainsi. Seule la psychologie de l'inconscient peut résoudre une telle énigme. Par elle nous savons que tant qu'un contenu demeure à l'état de projection, il est inaccessible, ce qui explique pourquoi les travaux de ces auteurs nous ont révélé si peu de chose à propos du mystère alchimique. Mais le bénéfice n'est que plus grand en ce qui concerne la symbolique, symbolique étroitement liée à celle du " processus d'individuation ".
Lorsque l'on traite de l'alchimie, il ne faut jamais négliger le fait que cette philosophie a joué un rôle considérable au
Moyen Âge
et qu'elle a donné naissance à une volumineuse littérature, qui eut une influence d'une grande portée sur la vie spirituelle de l'époque. Le parallèle lapis-Christus est probablement le meilleur exemple qui nous montre jusqu'où les prétentions de l'alchimie allaient dans cette voie. Ce fait pourrait expliquer, ou excuser, mes incursions dans des domaines n'ayant apparemment rien à voir avec l'alchimie. Lorsqu'on aborde la psychologie de la pensée alchimique en général, il faut tenir compte de rapports qui, vus de l'extérieur, semblent être très éloignés des données historiques. Cependant, lorsque nous cherchons à comprendre ce phénomène de l'intérieur, c'est-à-dire en prenant comme base la psyché, nous partons alors d'un point central vers lequel convergent beaucoup de lignes, aussi éloignées soient-elles les unes des autres dans le monde extérieur. C'est là que nous entrevoyons cette psyché humaine sous-jacente qui, au contraire de la conscience, se transforme à peine au cours des siècles, et où une vérité vieille de deux mille ans est encore la vérité d'aujourd'hui, vivante et active. Nous y trouvons aussi ces faits psychiques fondamentaux, qui sont restés les mêmes depuis des millénaires, et qui seront encore les mêmes dans des millénaires. Vus sous cet angle, les temps modernes et le présent apparaissent comme des épisodes d'un drame qui commença dans les temps les plus reculés et qui s'étend par-delà les siècles jusque dans un futur éloigné. Ce drame est une Aurora consurgen (aurore qui se lève) - la naissance de la conscience dans l'humanité.

Le processus alchimique de l'époque classique (de l'Antiquité au milieu du XVIIème siècle) était essentiellement une exploration chimique, à laquelle se mêlaient, par voie de projection, des contenus psychiques inconscients. Ce qui explique pourquoi les textes insistent fréquemment sur les conditions psychologiques requises pour la réalisation de l'œuvre. Les contenus entrant en considération sont précisément ceux qui se prêtent à la projection dans la matière chimique inconnue. Du fait du caractère impersonnel, purement objectif, de la matière, ce sont les archétypes, impersonnels et collectifs, qui sont projetés ; en premier lieu, en parallèle à la vie spirituelle collective de l'époque, c'est l'image de l'esprit prisonnier dans les ténèbres du monde - ou, en d'autres termes, le besoin de rédemption, condition de relative inconscience ressentie comme pénible - que l'homme reconnaît dans le miroir de la matière et qu'il confronte et manipule, par suite, dans la matière. Comme la condition psychologique d'un contenu inconscient est celle de réalité potentielle, caractérisée par la paire d'opposés être - non-être, l'union des opposés joue un rôle pré pondérant clans le processus alchimique. Le résultat a valeur de symbole unificateur qui a, généralement, un caractère numineux. La projection de l'image du rédempteur, c'est-à-dire le Parallèle lapis-Christus, découle pour ainsi dire nécessairement de ces faits, comme d'ailleurs le parallèle entre l'opus (œuvre) de rédemption ou officium divinum (office divin) et le magistère - avec toutefois la différence essentielle que l'opus chrétien est un operari (operari = offrir un sacrifice) de celui qui a besoin de rédemption, en l'honneur du Dieu rédempteur, alors que l'opus alchimique est l'effort de l'homme rédempteur en faveur de l'âme divine du monde qui dort dans la matière, et qui attend la rédemption. Le chrétien gagne les fruits de la grâce ex opere operato ; par contre l'alchimiste crée pour lui-même ex opere operantis (au sens littéral) un " remède de la vie " qui, pour lui, ou remplace les véhicules de la grâce de l'Eglise, ou bien est le complément et le parallèle de l'œuvre divin de rédemption qui se poursuit en l'homme. Les deux points de vue se rejoignent dans la formule ecclésiastique de l'opus operatum et de l'opus operantis - mais, dans leurs implications dernières, ils restent inconciliables. A la base, il s'agit de la paire d'opposés collectivité-individu ou société-personnalité. Ce problème est moderne, dans la mesure où il a fallu l'hypertrophie de la vie collective et l'entassement inouï des masses en troupeaux, tel qu'on le voit à notre époque, pour que l'individu prenne conscience de son étouffement dans les structures de la masse organisée. Le collectivisme de l'Eglise médiévale n'a que rarement ou jamais atteint le degré de pression qui aurait élevé la question des rapports de l'individu avec la société au rang de problème général. C'est pourquoi cette question demeura elle aussi au niveau de la projection, et ce fut l'apanage de notre époque de l'aborder avec une conscience au moins embryonnaire et sous le masque d'un individualisme névrotique. "

 

C.G. Jung, Le Divin dans l'homme, lettres sur les religions, Albin Michel, 1999

p. 289-290

sur l'arbre et la croix


To Father Victor White
Oxford
Bollingen, le 10 avril 1954

Dear Victor

Maintenant, il faut qu'une nouvelle synthèse s'amorce. Comment le mal absolu peut-il s'associer avec le bien absolu en vue d'une unité ? Cela semble impossible. L'instant décisifet fatal a été celui où le Christ a résisté à la tentation de Satan et s'est séparé de son ombre. Pourtant, il fallait que cette séparation fût consommée, afin de permettre à l'homme d'accéder à la conscience de la moralité. Si jamais une unification des contraires moraux pouvait se produire, ils se neutraliseraient totalement et il n'y aurait plus de morale du tout. Ce n'est assurément pas là le but de la synthèse. Mais les contraires inconciliables peuvent être reliés par un pont neutre ou ambivalent, par un symbole exprimant les deux à la fois de telle sorte qu'ils puissent produire un effet en coopération. Ce symbole, c'est la croix, dans son sens traditionnel ancien d'arbre de vie ou simplement d'arbre auquel le Christ est attaché de manière indissoluble. C'est ce trait, précisément qui indique la signification compensatoire de l'arbre : l'arbre symbolise ce facteur dont le Christ s'était séparé et auquel il devait se lier à nouveau afin que sa vie ou son être devînt une totalité. En d'autres termes, le Crucifixus est le symbole qui unifie les contraires moraux absolus. Le Christ représente la lumière, et l'arbre les ténèbres Il est le Fils, l'arbre est la Mère. Tous les deux ils sont androgynes (arbre = Phallus). Le Christ est tellement identique à la croix qu'ils sont devenus dans le langage de l'Eglise des notions presque interchangeables (par exemple "rédemption par le Christ " ou " par la croix ", etc.). L'arbre réintroduit tout ce qui s'était perdu de par la spiritualisation poussée par le Christ à l'extrême, à savoir les éléments de la nature. Les branches et les feuilles de l'arbre recueillent les puissances de la lumière et de l'air, ses racines celles de la terre et de l'eau. Le Christ a souffert de sa propre scission ; à Pâques, il recouvre l'intégralité de sa vie lorsqu'il est enterré et retourne dans le sein de la Vierge Mère. (On trouve dans le mythe d'Attis une représentation analogue : l'image d'Attis est attachée à l'arbre, celui-ci est abattu et porté dans l'antre de la Mère Cybèle. L'Eglise de la Nativité à Bethléem est bâtie sur un sanctuaire d'Attis !) Ce complexe mythique semble constituer le développement d'un très vieux drame : l'Étant accède à la réalité en se reflétant dans la conscience, c'est la tragédie de Job. Mais le problème, maintenant, c'est l'attitude à prendre face aux résultats de la différenciation consciente. La première chose à tenter, c'est de reconnaître la valeur morale du bien et de se décider pour lui. Cette décision est indispensable, mais, à la longue, elle se révèle n'être pas réellement bonne. Il ne faut pas en rester là, sinon l'on sort de la vie et c'est la mort progressive. Ainsi donc le stade suivant est celui d'une incertitude concernant cette reconnaissance du bien opérée précédemment, cependant qu'une unification du bien et du mal semble impossible. C'est là le point où nous nous trouvons aujourd'hui.

L'histoire de la vie du Christ, dans sa dimension symbolique, présente un aspect téléologique central : la crucifixion, c'est-à- dire la réunion du Christ avec le symbole de l'arbre. Il ne s'agit plus de l'irréalisable réconciliation du bien et du mal, mais de celle de l'homme avec sa vie végétative (= inconsciente). Dans la symbolique chrétienne, l'arbre est mort et l'homme en croix meurt : la solution du problème est donnée après la mort. C'est là le point jusqu'où la vérité chrétienne est parvenue. Mais il se peut que la symbolique chrétienne exprime les données psychiques de l'homme à l'ère des Poissons, de même que les dieux du Bélier et du Taureau exprimaient celles des ères correspondantes. Dans ce cas, la solution post mortem deviendrait le symbole d'un état psychique entièrement nouveau, celui de l'ère du Verseau. Le Verseau représente à n'en pas douter une unité, celle de l'Anthropos probablement, en réalisation du propos allusif du Christ " Dii estis" (vous êtes des dieux - Jean, 10,34)

 

p. 420-421

sur l'alchimie et le christianisme

To John Trinick
Cliftonville, Thanet/England
26 octobre 1957

Dear Mr. Trinick,

[…] L'existence d'une philosophie spécifique de l'alchimie prouve que le processus de spiritualisation dans et par le christianisme n'était pas parvenu à un résultat satisfaisant. C'est cela qui permet de comprendre que l'alchimie ait dû reprendre le problème pour atteindre, par ses propres méthodes, le but fixé par la doctrine chrétienne. En faisant cette tentative, elle est arrivée à un résultat qui ne coïncide pas réellement avec le but chrétien : le symbole chrétien est resté plus ou moins une analogie de la Pierre, ou la Pierre un équivalent du Christ. La voie de l'alchimie, c'était la coniunctio oppositorum ; ce n'était donc pas une conception authentiquement chrétienne, car ce dont il s'agit pour la psychologie du christianisme historique, c'est la victoire sur le mal plutôt qu'une complexio boni et mali (réunion du bien et du mal). L'alchimie s'est risquée à émettre l'idée d'une sorte de transformation du mal en vue de son intégration future. Elle reprenait ainsi une idée venue d'Origène, selon laquelle la rédemption doit finalement inclure même le diable, idée que I'Eglise n'a pas défendue.
S'il existait un accord profond entre l'idée de l'alchimie et l'idée fondamentale du christianisme, on ne pourrait pas comprendre à quelle fin celle-ci se serait transformée en symbolisme alchimique, et pourquoi le but de l'alchimie était la Pierre et non pas le Christ. Et d'ailleurs, pourquoi la Pierre ? Le fait que la Pierre est distincte dans son existence même du Christ montre que l'alchimie poursuivait en réalité un autre but. Cela ressort du seul fait déjà que le Lapis résulte d'une synthèse d'opposés, ce qui n'est pas du tout le cas du Christ selon le dogme. Pour toutes ces raisons, je ne puis adhérer à une interprétation chrétienne de l'alchimie. Au contraire, je vois dans l'alchimie la tentative d'une autre solution : la réalisation d'une union des opposés, qui fait défaut dans la doctrine du christianisme historique. C'est aussi pourquoi l'esprit qui règne dans l'alchimie, c'est Mercurius utriusque capax (mercure qui englobe l'un et l'autre) et non la troisième personne de la Trinité, c'est-à-dire du Summum Bonum. C'est là un problème de notre temps, problème dont l'ombre se projette sur l'avenir depuis le début de ce millénaire.
Je crois que l'alchimie nous a légué une tâche difficile. Comprenez, s'il vous plaît, ce que je dis à ce sujet comme l'expression de ma subjectivité.
Sincerely yours,
[ C. G. Jung ]

 

 

 

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